dimanche 19 juin 2016

Réflexions sur le numérique dans les collectivités territoriales



Le numérique mis au service des citoyens repose sur une chaîne de valeur qui va de la connectivité (liaisons Très Haut Débit, objets connectés ...) en passant par les données jusqu'aux nouveaux usages. Cette chaîne de valeur au centre duquel se trouve le citoyen est sous-tendue par la confiance : confiance envers les acteurs, confiance par rapport à ses données (sécurité, utilisations, anonymisation ...), confiance en la pérennité des systèmes, confiance dans les algorithmes ...

Cette confiance dans les systèmes informatiques ne peut être objectivement assurée pour la puissance publique que par le recours au formats ouverts et aux logiciels libres (cf. fin pour définitions), le logiciel libre est la traduction informatique de notre devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité » (source : http://www.linformaticien.com/actualites/id/23963/liberte-egalite-fraternite-la-devise-du-logiciel-libre-selon-richard-stallman.aspx) :

  • Liberté par la possibilité d'exécuter, de copier, de distribuer, d'étudier et de modifier les logiciels,
  • Egalité car rendant impossible une position dominante d'un acteur sur l'ensemble des utilisateurs,
  • Fraternité parce que les logiciels peuvent être vérifiés et améliorés par tous.

Le recours aux logiciels libres peut ainsi contribuer significativement à restaurer la confiance du citoyen en nos institutions. L’accroissement du recours des institutions publiques aux logiciels libres représente donc aujourd'hui un enjeu politique majeur.

Contrairement aux formats ou logiciels privateurs, qui favorisent les positions dominantes des entreprises qui les implémentent, les formats ouverts et les logiciels libres présentent de multiples avantages en termes d’indépendance technologique, de souveraineté numérique, d’interopérabilité, d'auditabilité du code, de pérennité des données, de possibilités de redistribution et de mutualisation. De plus leur développement en France serait également créateur d’emploi et vecteur de croissance, le secteur du logiciel libre « pesant » en France actuellement plus de 50 000 emplois et 4 milliards d’euros de chiffre d'affaire, annoncé en progression annuelle de 9% par an pour au moins dix ans (source : http://www.journaldunet.com/solutions/dsi/1166651-le-secteur-du-logiciel-libre-represente-50-000-emplois-en-france/).

Au niveau national plusieurs décisions ont été prises afin de favoriser l'adoption par l'administration des formats ouverts et des logiciels libres :

Lors du Conseil des Ministres du 31 août 2011, le Premier Ministre François Fillon a demandé aux ministres de veiller à "généraliser l’usage des formats libres et ouverts par les administrations" dans le cadre de la mise à disposition des données publiques par ces mêmes administrations.

Le Référentiel Général d’Interopérabilité (RGI) est défini dans l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, et a été approuvé dans sa version 2 par l'arrêté du 20 avril 2016. Le RGI liste les protocoles et formats préconisés pour l'administration pour les échanges numériques.

Suite à la circulaire du 19 septembre 2012 du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault concernant l'usage des logiciels libres dans l'administration, le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) a publié la version 2016 du Socle Interministériel des Logiciels Libres (SILL). Le SILL liste les logiciels libres préconisés pour l'utilisation par les administrations.

Enfin le principe d'une priorité au logiciel libre a été consacré dans le Code de l'éducation - Article L123-4-1 lors de l'adoption du projet de loi enseignement supérieur et recherche du 9 juillet 2013.

Chaque acteur doit prendre en compte cette condition de confiance dans les systèmes informatiques dès l'étape de conception d'un système d'information en relation avec la collecte, le traitement, la gestion ou l'analyse de données issues des citoyens. Dans le cadre des territoires, cette tâche revient donc aux collectivités territoriales qui seules peuvent assurer ce rôle. Malheureusement force est de constater, malgré les contraintes réglementaires liées à la dématérialisation et à l'opendata, qu'elles n'ont pas encore ou pas encore suffisamment conscience des enjeux de cette numérisation des échanges avec les citoyens de son territoire. Faute d'une taille critique suffisante bien souvent les plus petites communes délèguent intégralement la gestion de leur système d'information, site web compris, de même pour certaines intercommunalités. Ces collectivités territoriales n'ont alors que peu de leviers pour bénéficier des opportunités offertes par le numérique pour améliorer les services publics.

Pour les territoires ruraux il semble que les intercommunalités pourraient devenir le bon échelon pour assurer l'intelligence collective du territoire au titre de la mutualisation des services support. La solidarité pourrait alors s'exercer à deux niveaux :

  • Au niveau d'un territoire par la mutualisation de systèmes d'information,
  • Au niveau inter-territorial par la mutualisation de développement de logiciels libres.

En effet les services publics dont les collectivités territoriales exercent les compétences s'appuie bien souvent sur des logiciels métiers spécifiques qui ont été préemptés par des sociétés privées qui ont imposées de fait le recours à des privateurs. En réponses certaines collectivités se sont lancées dans le développement de logiciels libres pour enrichir les biens communs (notament la ville d'Arles avec le projet OpenMairie http://www.openmairie.org) au service de l'exercice par les collectivités locales de services publics. Mais cette solution pêche encore par la nécessité d'internaliser la compétence informatique (administration systèmes, programmation) bien que celle-ci puisse être mise en oeuvre dans le cas d'une mutualisation à l'échelle intercommunautaire, ou encore par la complexité d'une maintenance pour les environnements très contraints (comptabilité et finances notamment). Entre ces deux options il faut noter l'existence de solutions basées sur des logiciels libres déployées avec l'appui de Sociétés de Service en Logiciels Libres (SSLL) ou de Syndicats Mixtes Ouverts dédiés au numérique (comme le Syndicat Intercommunal des Collectivités Territoriales Informatisées des Alpes Méditerranée - SICTIAM par exemple ). C'est par exemple cette solution qui a été privilégiée lors de la mise en place d'un logiciel de gestion de courrier au sein des services de la ville de Digne-les-Bains (solution basée sur Maarch).

Pour conclure je reprendrais le slogan de Framasoft : "La route est longue mais la voie est libre !"


Définitions :

Les formats ouverts permettent de garantir l'interopérabilité des données c'est-à-dire la possibilité d'échanger des fichiers avec d'autres utilisateurs équipés de systèmes d'exploitation ou de logiciels différents. La loi pour la confiance dans l’économie numérique (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004) défini dans son Titre Ier - Chapitre Ier - Article 4 :

« On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en oeuvre. »

Cela signifie donc :
• des protocoles et des formats de données indépendants d’un logiciel, d’un système d’exploitation ou d’une société,
• des spécifications techniques documentées, accessibles et non payantes.

Un format de données ne respectant pas ces conditions d'interopérabilité est appelé format propriétaire ou fermé.


Les logiciels libres font référence à la liberté pour les utilisateurs d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer le logiciel. Plus précisément, elle fait référence à quatre types de liberté pour l’utilisateur du logiciel :

• La liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0).
• La liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et de l’adapter à vos besoins (liberté 1).
• La liberté de redistribuer des copies, donc d’aider votre voisin, (liberté 2).
• La liberté d’améliorer le programme et de publier vos améliorations, pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3).

Les libertés 1 et 3 requièrent l'accès au code source du programme. Un logiciel est libre si les utilisateurs ont toutes ces libertés.

Un logiciel ne respectant pas ces conditions est appelé logiciel propriétaire ou privateur.

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